« Cher Journal.
Cela faisait des années que tu traînais au fond d'un carton, depuis le jour où j'ai aménagé avec Emrys en fait. Mais aujourd'hui, maintenant que je compte quitter la maison qui a abrité notre couple pour une durée indéterminée, je suis retombée sur toi. Enfin, peu importe. Je passerai aussi le fait que ça ne sert à rien de m'adresser à toi, tu ne me seras d'aucune aide... d'habitude quand j'écris, c'est pour les comptes-rendus de mes voyages humanitaires. Et il y a tellement de chose à dire...Quand j'ai choisis d'aller exercer mon métier de médecin dans d'autres pays, je n'aurais jamais pensé que cela puisse me perturber autant. A force de relativiser, je me dis que tout ce qui peut se passer dans ma vie n'atteindra jamais ce qui se passe dans certains pays. La misère à l'état brut.
Je devrais ne pas avoir à me lamenter, et pourtant. Je n'arrive toujours pas à me dire que peut-être un de ces jours, je mettrais fin à mon mariage. Au bout de dix ans, les plus pessimistes diront que ça devait arriver. Je ne supporte juste plus les mensonges. Dans un sens, au milieu de tout ça, il a un certain respect. Il me trompe, j'en suis certaine, mais il a au moins la décence de ne plus me toucher. Je refuserais clairement de passer après un de ses maîtresses. Je ne peux pas m'empêcher de regarder de travers chacune des femmes qu'il côtoie en me disant que c'est peut-être elle, avec qui il s'envoie en l'air. J'en sais rien. Je ne sais plus. D'habitude, je serais repartie en mission aussi sec. Mais après cinq mois passés sur des terres d'Afrique, peu après mon retour et après le début de rupture avec mon « mari », j'ai reçu un appel. Pas des plus joyeux, car c'était les services sociaux. Un couple d'amis dont j'étais extrêmement proche qui a perdu la vie dans un violent accident de voiture. Ç'en était d'autant plus tragique qu'ils laissaient derrière eux ma filleule, Alexie. Une adolescente rebelle et mal dans sa peau. Pas de grands-parents aptes à l'accueillir, et pas de famille proche hormis un vieil oncle alcoolique. Naturellement, elle avait réclamé que je récupère sa garde. Si je refusais, j'aurais eu la mauvaise conscience de la savoir dans une famille d'accueil. Enfin, voici comment je me suis retrouvée à vivre chez mes amis décédés parce que la jeune fille refusait de quitter la maison. J'imagine bien que ça doit être dur à vivre pour elle, mais je ne comprends pas pourquoi elle s'obstine à me pourrir la vie. Peut-être que c'est ça, l'adolescence... Pourtant, je ne me souviens pas que Jasper m'ait fait autant de crises de nerfs. A part peut-être quand il est passé au lycée et qu'il a commencé à se plaindre que je le maternais trop... C'est ce qu'une mère est censée faire il me semblait, et j'ai pris la place de la notre. Qui est partie. Je n'ai jamais compris pourquoi elle a abandonné ses deux enfants seulement quelques jours après la naissance du deuxième. Je lui en veux, c'est certain. Mais qu'est-ce que je peux y faire ? C'est la vie. Et quelle vie... »