La flamme danse devant mes yeux tandis que je joue avec elle. Mes doigts passent et repassent au-dessus et essaient de la capturer. Mais elle n’est pas aussi docile que cela. Elle s’échappe, se rétracte, fait mine de s’éteindre avant de repartir de plus belle lorsqu’elle se sent à l’abri de mon emprise. Je ne pense plus à rien quand je vois ce dégradé de couleur et cette chaleur qui m’enveloppe. J’ai toujours assimilé le feu à notre famille, à notre amour à Gaël et moi. Nous sommes comme les flammes d’un feu de cheminée, obstinées à essayer de rester en vie en léchant le bois. Je me suis plus ou moins assagie mais Gaël lui reste insaisissable. Il continue de m’éviter encore et encore. Je n’arrive pas à l’approcher pour lui parler. Lentement, mon regard dérive vers la cire qui coule le long de la bougie. Une auréole en a déjà entouré la base. Jouant avec, je manque de me brûler. « Joan, tu veux pas arrêter de jouer avec le feu ? La patiente de la 10 t’attends. » Relevant la tête, je la tourne vers Nina, ma collègue en lui souriant. « Excuse moi Nina. Tu sais que lorsque je vois une flamme, je ne peux pas m’en empêcher. » Nina le sait, le feu et moi faisons la paire. Elle m’a toujours connu avec cette même fascination pour les flammes qu’actuellement. Elle me presse alors pour que je me lève rapidement. Je me dépêche donc d’aller dans la chambre de la patiente pour lui prodiguer quelques soins. Je reprendrais ma contemplation dans quelques minutes. La flamme ne va pas s’envoler…

Cher journal,

Ça fait bien quelques années que je n'ai pas ouvert tes pages pour écrire ce que je ressentais et il s'en est passé des choses depuis. Je suis devenue infirmière comme je l'ai toujours rêvé. Seulement, au lieu de commencer dans un hôpital comme la plupart des femmes, j'ai commencé dans l'armée. Moi qui détestait l'armée à cause de mon père, je me suis retrouvée enrôlée dedans. La faute à quoi ? Mon amour pour mon frère. Oui je sais c'est immoral, on appelle ça de l'inceste mais pour moi ce n'est pas ça. Enfin juridiquement parlant, c'est le cas, mais je m'en moque. Qu'est-ce qui a précipité mon entrée dans l'armée ? Simplement le fait que je n'ai pas pu m'arrêter avant et que j'ai embrassé Gaël et il ne m'a pas repoussé. Depuis, il ne m'adresse plus la parole. Si j'avais que quelque chose dans le genre se serait passé, alors je n'aurais même pas hésité et j'aurais été jusqu'au bout quitte à ce qu'il me déteste. Je l'ai donc suivit quand il est parti à l'armée et j'ai passé quelques années de ma vie avec mon frère sur le champ de bataille. Même s'il me fuyait, je faisais tout pour me rapprocher de lui. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureuse de toute ma vie quand il a reçu une lettre d'Avery qui l'informait qu'elle allait vivre avec quelqu'un d'autre que lui avec leur fils. Suis-je une mauvaise femme ? Une mauvaise soeur pour ressentir ce genre de sentiment envers mon frère ? Je n'en ai pas la moindre idée. J'ai quitté l'armée y a trois ans et depuis, Gaël me fuit encore plus... Enfin, il faudrait peut être que je me trouve quelqu'un pour l'oublier. Mais c'est compliqué. J'ai bien eu quelques aventures par ci par là, mais rien de notable. Je n'arrive pas à me sortir de la tête mon frère...