Je fais ce que je veux. Quand je veux. Si je veux. Et le pire, c'est qu'on m'en donne les moyens. On me regarde faire avec le sourire, on cède à mes caprices, on ne cherche même plus à me faire entendre raison. Depuis toute petite, c'est ce que ça a été. Fille unique, j'ai été la petite perle de ma mère, qui m'a élevée seule. Pas de père, car celui-ci s'est barré deux mois après ma naissance. La seule chose dont je peux lui être reconnaissante, hormis le fait d'être en vie, c'est la grasse pension alimentaire qu'il a versé jusqu'à ma majorité. Dans tous les cas, j'avais ce que je souhaitais. Toujours. Petite, à la période où les enfants testent les parents afin de savoir s'ils peuvent faire leur loi, j'avais compris que rien n'aurait vraiment de limites. Vêtements, jouets, babioles en tout genres, j'avais ce que je voulais. Un caprice, et le tour était joué. Il arrivait que ma mère soit plus têtue, et dans ce cas là, je hurlais. Irrémédiablement, j'arrivais à mes fins. C'est ainsi que du haut de mes 5 ans, je faisais la loi chez moi. Personne n'osait rien me dire, alors inutile de préciser qu'on me laissait tranquille. C'est d'ici qu'est né mon pire trait de caractère ; celui de garce égocentrique. Chose qui s'est empirée avec les années. Car je ne réclamais plus de faire les manèges dans la première fête foraine venue, mais de l'argent pour sortir avec des ''amies''.
Ma vie est totalement partie en vrille à l'adolescence. J'ai trouvé une autre aire de jeux : les hommes. Il faut dire qu'en plus d'avoir ce que je souhaitais, j'étais plutôt gâtée par la nature. La séduction, la manipulation, ça devait être dans les gênes manifestement, car il ne m'avait pas fallu d'aide pour savoir comment faire. Il suffisait d'un regard aguicheur, d'une petite robe courte et moulante, et voilà que j'arrivais à faire en sorte qu'ils s'intéressent à moi. Avec ça, on se forge une réputation. La mienne n'était pas forcément très positive, mais au moins j'étais populaire, je ne passais pas inaperçue dans les couloirs, et je m'infiltrais dans toutes les soirées qui me semblaient intéressantes. J'avais été précoce en tout.

Même pas la vingtaine que j'avais un palmarès assez impressionnant à mon actif. Des hommes d'un soir, des petits-amis que j'avais mené en bateau pour m'occuper, des amis qui partageaient mon lit quand l'envie me prenait... Mais il me fallait toujours plus il faut croire. Alors j'allais toujours plus loin, je tentais de mettre dans mes filets le plus inaccessible. Comme Caleb. Ce gars, gosse de riche, était aussi beau que séduisant. Finalement, il était comme moi, mais au masculin. Un bourreau des cœurs bien connu, mais pour autant, énormément de filles se laissaient avoir. J'avais relevé le défi de voir qui de nous céderait à l'autre en premier. Le jeu avait duré quelques longs mois, où la séduction avait été omniprésente. Au moment où je commençais à me lasser, lui commençait à s'accrocher. Je l'avais eu, j'avais gagné. Le pire, c'est que malgré ma réputation, il y croyait dur comme fer. Il pensait réellement que je l'aimais, que nous formions un couple solide. Foutaises. Si je l'avais eu lui, je ne voyais pas ce qui aurait pu encore me résister. Je l'aurais bien largué dans toute ma splendeur, mais je préférais le laisser tomber, disparaître. Pour qu'il s'inquiète, se fasse un sang d'encre, pour mieux le rabaisser ensuite. Oh oui, j'étais fière de mon plan. J'ai quitté Londres du jour au lendemain, direction Leeds. Pourquoi cette bourgade paumée ? Parce que c'était un des lieux où j'allais en vacances avant. Et puis, au moment où je me sentais au plus haut, la chute. Un mal-être constant, des nausées matinales, un test de grossesse, enceinte. Dès ce moment là, j'ai perdu les pédales. J'étais enceinte, j'attendais un bébé. De Caleb qui plus est. Cela justifiait que je n'avais pas pris la peine de le quitter en bonne et due forme. Paniquée, j'avais immédiatement pris la décision d'avorter. Sans hésitation. Je ne suis plus revenue à Londres comme je l'avais prévu, et comme pour me rassurer, j'avais enchaîné les conneries. Plus que d'habitude du moins. J'avais laissé mes études loin derrière, accumulé les soirées où je me bourrais jusqu'à faire un black-out complet. Rajouté des dizaines de nom sur la liste de mes conquêtes. Hormis des hommes d'un soir sans nom, j'avais trouvé de nouveaux amants, comme Cole, homme marié. En même temps, Nathaniel, pauvre naïf qui me regardait comme si j'étais une merveille du monde... Et puis était venu le moment d'avorter. J'avais paniqué, à ce moment là. Je m'étais attachée à ce bébé, ce que je n'aurais jamais pu imaginer de ma part. Sauf que le garder ? Même pas en rêve. Après tout, je ne faisais rien de ma vie, ma mère m'entretenait grassement, et je passais mon temps à jouer la débauchée. Alors, l'idée de l'adoption s'est imposée à moi.

6 mois de grossesse, tout part en vrille. Je n'attends pas un bébé, mais deux. Des jumeaux. La famille adoptive me lâche. Ma mère passer à l'improviste et me renie en me voyant dans un état pareil, coupant les vivres. Enceinte jusqu'aux yeux, je n'avais jamais été aussi seule. Pourtant je devais faire face, trouver de quoi subsister. Un homme d'affaire qui, manifestement, jugeait plus sur le physique que les compétences, me faisait un peu travailler en tant que secrétaire. Le reste du temps, je m'occupais comme je pouvais, supportant ma grossesse. D'ailleurs, j'avais trouvé une nouvelle ''victime''. Desmond, une conquête que j'avais eu à mon arrivée à Leeds. Il avait bien marché quand je lui avais dit que les bébés étaient de lui... Il faut dire qu'en me croisant enceinte jusqu'aux yeux, il était tellement halluciné qu'il aurait cru n'importe quoi. Interne en médecine qui plus est, il était bien placé pour m'aider. Il s'est passé de longs mois durant lesquels j'aurais du lui dire la vérité, lui avouer que je m'étais bien moquée de lui. Mais... rien. La vérité a fini par sortir après mon accouchement, où il avait été bien entendu présent. Ce jour qui aurait du être magique, merveilleux, s'est révélé plutôt tragique pour moi ; je ne suis pas rentrée avec mes jumeaux, mais juste avec l'un d'eux. Seth. L'autre était mort-né.

Il faut croire que cet événement m'a changée du tout au tout. J'ai arrêté de m'amuser avec les gens, cessé de les mépriser dans toute ma splendeur. Pour parler vulgairement, j'en suis au stade de pétasse déchue. C'est dur, le retour sur terre. Dur de se rendre compte qu'on n'est pas si bien entouré qu'on le pense, qu'en réalité, on est foutrement seule. Mère célibataire à 20 ans, des études à gérer, un travail aussi. Ça fait tellement longtemps que je me suis détachée des cours de droit que je n'ai pas cherché à reprendre. Je me suis plus concentrée sur mon minable travail de secrétaire. Et comme si ça ne suffisait pas, j'ai réalisé une chose. Tous ces Casinos et hôtels de luxe anglais... cet homme pour qui je travaillais. Le père de Caleb. La situation allait commencer à se corser maintenant que mon ex reprenait les affaires de son paternel. Quoique... peut-être que je pourrais en tirer profit. Dans le pire des cas, je serai sûrement capable d'exiger une pension alimentaire. Avec Caleb, j'avais gagné la première manche. A charge de revanche.